- JOCHO
- JOCHOÀ la fin du IXe siècle, le Japon, se dégageant des influences de la Chine des Tang, se replie sur lui-même et élabore un art proprement national (way 拏 ). C’est le début d’une période de trois siècles, dominée politiquement par la famille Fujiwara (894-1185, période dite Fujiwara), qui développe un art de cour d’une élégance aristocratique et d’une grâce fragile, empreint d’une certaine mélancolie, en contraste avec l’art viril et dynamique de la période précédente. Les artistes évitent les expressions forcées, pour porter leur attention sur les proportions harmonieuses et sur les ornements.Rompant avec la tradition plastique continentale, la sculpture s’épanouit en accord avec le sentiment nationaliste de l’époque et selon une technique nouvelle, pratiquée, non plus par les artisans anonymes des ateliers de la cour et des monastères, mais par des artistes reconnus comme tels par les familles nobles qui les tiennent en haute estime.La tradition place le sculpteur J 拏ch 拏 à l’origine de ces changements profonds qui vont transformer le style de la sculpture japonaise et le statut social de l’artiste.Un sculpteur nationalJ 拏ch 拏, dont la date de naissance est inconnue, se révèle en 1022. Il descendrait, à la cinquième génération, de l’empereur K 拏k 拏 (règne: 885-888) et ses aïeux auraient été gouverneurs des provinces du centre. Dans sa jeunesse, il est l’élève, peut-être même le fils adoptif, de K 拏sh 拏, prêtre-sculpteur à la fin du Xe siècle. Si aucune œuvre de K 拏sh 拏 n’est conservée, il est resté célèbre pour avoir travaillé, avec ses assistants dont J 拏ch 拏, au service de Fujiwara Michinaga, dans le Mury 拏-in du H 拏j 拏-ji, ancien temple de Ky 拏to.J 拏ch 拏, artiste précoce et sûrement remarquable, se voit conférer, à l’inauguration du pavillon central du H 拏j 拏-ji, en 1022, le titre bouddhique de hokky 拏 («pont de la Loi»). C’est le premier sculpteur à recevoir un tel honneur, qui sera suivi de bien d’autres. En 1023, il serait chargé d’exécuter la triade de Yakushi Nyorai et les six Kannon (en sanskrit, Avalokite ごvara) pour le Yakushid 拏 du H 拏j 拏-ji. En 1026, il sculpte les vingt-sept statues grandeur nature faisant partie de l’offrande pour l’heureux enfantement de Iko, épouse de l’empereur Go-Ichij 拏. À la mort de ce dernier, en 1036, J 拏ch 拏 est chargé des images destinées à ses funérailles. La même année, il travaille à une statuette en argent de Yakushi Nyorai, qui deviendra l’icône tutélaire de l’empereur Go-Shujaku. En 1048, comme remerciements de ses services au K 拏fuku-ji de Nara, il reçoit le titre de h 拏gen («œil de la Loi»), supérieur à celui de hokky 拏 . Son œuvre la plus célèbre, l’Amida Nyorai (en sanskrit, Amit bha) commandé par Fujiwara Yorimichi pour son pavillon du Phénix (H 拏拏d 拏) du By 拏d 拏in à Uji, où il est encore conservé, ne date pourtant que de 1053. Enfin, sa dernière création, depuis longtemps disparue, est probablement un Amida Nyorai de seize pieds de haut (j 拏roku ), fait en 1054 pour la chapelle privée du courtisan Kunitsume no Ason, au Nishino-in (Ky 拏to). Ce chef-d’œuvre, témoin du génie de J 拏ch 拏, est ainsi évoqué dans les textes de l’époque: «Ce devrait être le modèle idéal pour tous les sculpteurs d’images bouddhiques.» Cette œuvre et la précédente fourniront d’ailleurs pendant plusieurs siècles les canons de la sculpture bouddhique japonaise.L’Amida Nyorai du H size=5拏拏d size=5拏, exemple classique du style nationalL’Amida, en bois laqué et doré, du pavillon du Phénix (H 拏拏d 拏) du By 拏d 拏in, est resté l’exemple le plus classique du style national (way 拏 ). Aboutissement d’une évolution séculaire parvenue à un point d’équilibre unique et de synthèse parfaite, cette sculpture représente l’assimilation complète des influences chinoises reçues depuis trois siècles. Bouddha en méditation (j 拏-in ) empreint d’une grande majesté, il est assis sur un lotus à neuf pétales, devant une auréole ajourée, richement décorée. Son visage rond, aux traits sobres, est éclairé d’un regard bienveillant dirigé vers le bas. Ses épaules sont massives, son buste large et plat, ses mains jointes dans un mouvement souple et, sur ses genoux largement écartés, la draperie coule en plis réguliers et peu profonds, délicatement sculptés. Malgré l’ampleur des proportions, le tout s’harmonise en un ensemble doux, gracieux et bien équilibré, en accord avec le goût féminin des Fujiwara, et qui vaut surtout par ses qualités du juste milieu, si caractéristique de la japonisation des formules chinoises.L’école de la Septième rueJusque-là pris en charge par l’État, les monastères le sont désormais par les familles aristocrates qui commanditent leurs propres artistes. La demande toujours croissante d’images, due à l’extension des établissements religieux, ne peut être satisfaite que par l’organisation de praticiens, travaillant dans l’atelier et sous les ordres d’un maître sculpteur. Ainsi, l’Amida du pavillon du Phénix est exécuté par J 拏ch 拏 dans son atelier de Ky 拏to et livré ensuite au By 拏d 拏-in. Ces ateliers privés, qui finiront par fusionner en corporations de sculpteurs (bussho ), préexistaient au temps de J 拏ch 拏, mais ils ne se développent vraiment qu’avec la rationalisation et la systématisation de la technique yosegi (par pièces assemblées), à laquelle le nom de J 拏ch 拏 est lié. Cette méthode, peu pratiquée avant J 拏ch 拏, va se substituer à la formule ichiboku qui veut que la statue soit d’une seule pièce de bois, ce qui ne permet pas la division du travail que demande toute collaboration. Le principe du yosegi , selon lequel les différentes parties de l’œuvre sont sculptées séparément puis assemblées, exige par contre une collaboration poussée, et l’on prête à J 拏ch 拏 l’art d’avoir su organiser son atelier en définissant avec précision la tâche de chacun, en vue d’un résultat homogène. La pratique du travail en commun perfectionnera la technique yosegi , qui restera prééminente après le milieu du XIe siècle et préparera l’essor de la sculpture sur bois du XIIIe siècle.La position éminente de J 拏ch 拏 passe à son fils Kakuj 拏 (?-1077), puis à son petit-fils Raijo (1054-1119), qui travailleront, semble-t-il, plus à Nara qu’à Ky 拏to. Cette lignée s’appellera plus tard l’école de la Septième rue (Shichij 拏 bussho ); à la fin du XIIe siècle, le grand sculpteur Unkei (?-1223) en sortira. Mais Injo (?-1108), autre fils de Kakuj 拏, et Inch 拏, fils d’Injo, prendront leur indépendance, tout comme Ch 拏sei (1010-1091), élève de J 拏ch 拏, qui fondera avec son fils Ensei (?-1134) l’école de la Troisième rue (Sanj 拏 bussho ), moins importante que la précédente.L’école de J 拏ch 拏 représente donc le principal courant de sculpture bouddhique de la période Fujiwara, sans que ses successeurs, toutefois, atteignent jamais à la hauteur de son génie.
Encyclopédie Universelle. 2012.